Il était un peu plus de 17h lorsque je pénétra dans l'immense bâtiment appelé Bibliothèque. J'avais l'habitude de ces lieux. Je m'y sentais comme chez moi. A peine arrivée dans l'immense hall, je me sentis renaître. L'air frais qui passait dans cet salle avait le don de laver ma tête nue de tous les tracas qui l'envahissaient. Je regarda à l'entour. Il y avait du monde ce soir, plus que la normal. Tous semblaient réglés comme une machine, ils se dirigeaient les uns entre les autres avec une assurance déconcertante, tous savaient parfaitement ce qu'ils faisaient donnant à ce flux de passage un certain mouvement de rapidité et d'étouffement. J'allais moi aussi, réglée comme un automate, vers la salle qui attirait toutes mes pensées. Je traversai les nombreuses étagères remplies de bouquins de toutes tailles, de toutes couleurs. Les titres étaient interpelants. Parfois, je m'arrêtai avant même d'avoir atteint mon but, m'emparai de l'un de ces livres et en lisait quelques lignes pour savoir de quoi il en retournait. Mes connaissances en matière de littérature étaient encore bien moindre que ce que j'aurai voulu mais elles n'étaient pas pauvres non plus. La littérature étaient l'une de mes principales passions plus que le meurtre. Après quelques minutes à fureter entre les étagères, j'arriva enfin à mon but ultime. J'attrapai l'énorme bouquin dont la couverture moisie laissait présager des âges. dessus était écrit en lettres capitales "1001 façons de tuer". Certes, le contenu était quelque peu choquant d'autant plus que ce bouquin n'avait rien à voir avec la littérature traditionnelle que j'aimais à lire de temps en temps mais elle allait m'apporter quelques savoirs intéressants et utiles à mon job de la nuit.

Alors que je prit le bouquin entre mes doigts, je remarqua enfin la présence d'un individu qui ne m'était pas étranger. Son visage fin et ses traits réguliers firent travailler ma mémoire plus que de normal. Je n'arrivai pas à mettre un nom sur ce visage angélique. Je fronça les sourcils. Où l'avais-je déjà rencontré ? Ma mémoire me faisait défaut. Je plissa les yeux et m'approcha discrètement de lui. Il lisait un livre, je ne réussi pas à voir de quoi il s'agissait précisément mais ma curiosité avait été piquée à vive si bien que j'en oublia quelques secondes l'énorme livre que je tenais entre mes doigts. Décidée à connaître l'identité du jeune homme. Je m'approcha de lui avec l'air d'une de ces dames qui s'occupent de la bibliothèque. Je relevai le menton, prit un regard suffisant et referma le livre que j'avais entre les mains pour le passer sous mon bras. Alors que je me rapprochai rapidement de lui, je lui dit ces quelques mots afin de l'interpeller.


Je n'étais pas sûre de ma technique d'approche mais ma curiosité était si avare qu'il me fallait absolument la rassasier quitte à me faire tristement démasquer. Ni une, ni deux, j'y étais allée avec le courage et la détermination dont j'étais capable en ce même type de situation.

J'avais passé la journée sur une chaise à écouter un professeur à moitié lobotomisé par la milice. Il avait répété cinq fois lors de son cours qu'il fallait que nous, jeunes de cette ville, nous montrions l'exemple et que nous nous engageions à servir notre brillante armée. Foutaises ! Ce type était un abruti de premier ordre ! Je l'avais su dès l'instant où il avait prononcé un seul mot le jour de la rentrée. Ses petits yeux gris enfoncés dans son crâne derrière de petits lunettes rondes y étaient pour quelque chose d'ailleurs. Ils exprimaient le manque d'intelligence. Je l'avais lu comme dans un livre.

Pour fuir à toute cette ambiance néfaste d'embrigadement forcé qui régnait dans mon lycée, je m'étais empressé de rejoindre la bibliothèque. Un endroit sain et calme, peut-être le seul établissement à avoir conservé toute sa pureté originel. J'aimais la tranquilité qui régnait dans cette endroit. Je pouvais me promener à travers les étalages de livres sans courir le risque de me faire arrêter par un groupe de miliciens qui m'auraient parlés des avantages qu'on pouvait tirer à pratiquer ce métier. J'étais arrivé à un point de ma vie où je rejetait tout ce qui avait à voir avec le pouvoir, la milice étant devenu mon premier ennemi. Cependant je n'avais pas non plus des idées de résistants parce que je voyais là une autre forme de pouvoir et d'avidité qui m'effrayait tout autant. Mon statut de personnage neutre m'était alors tout à fait agréable.

Me délectant d'un roman dont l'auteur était inconnu, je voyageais en tant que pirate sur un vaisseau nommé « le Génésis » domptant une mer enragée. Les seules descriptions de la mer me faisait vibrer intérieurement car j'imaginais la scène avec tant d'exactitude que j'aurais très bien put avoir le mal de mer d'un instant à l'autre; alors que j'étais perdu dans le flot de mes pensées, une douce voix vint m'en tirer délibérément. Chose qui me chiffonna de prime abord mais lorsque je me retourna, mon coeur s'arrêta. C'était Kelly Adams. Je l'avais reconnue immédiatement. Elle était dans le même lycée que moi et passait rarement innaperçue avec son regard malicieux et son sourire en coin.


J'avais parfaitement conscience de passer pour un demeuré devant elle mais elle était arrivé si sournoisement dans mon dos que la surprise était telle que ma bouche refusait d'articuler le moindre mot. Mon visage était soudainement devenu écarlate et je passais encore davantage pour l'idiot de service.

A la vue de son visage qui devint aussi rouge qu'une écrevisse, je ne put retenir un petit rire argentin qui s'échappa indiscrètement de ma gorge. Je jeta sur lui un regard nouveau, à présent, je savais où je l'avais déjà croisé. C'était un élève de mon lycée, à vrai dire, nous avions le même âge. Il était le gars au fond de la classe, l'air nonchalant, le regard vague, n'écoutant qu'à moitié les dires du professeur. Si la plupart des jeunes filles du lycée étaient dingues de cet être de nonchalance incarné, il ne semblait trouver son bonheur dans aucune d'elle. J'avais déjà remarqué son comportement trop supérieur pour s'intéresser aux amourettes. Je lui sourit et réitéra ma question, me faisant toujours passer pour l'une de ces filles qui travaillent à la bibliothèque et que l'on a trop souvent tendance à qualifier d'intellos.

- As-tu besoin d'aide ? Je vois, tu lis "A bord du Génésis". C'est un livre magnifique mais la fin est sans surprise même si les descriptions sont remarquables. Tu aimes les histoires de pirates ? Je te conseille donc de lire "le trésor enchanté", c'est un véritable régale pour un amateur du genre !

J'avais dit ça avec un sourire naturel. Bien évidément j'avais caché au maximum le titre du bouquin que je tenais dans les mains et qui pouvait éveiller les soupçons d'un gamin de 8 ans ! J'entreprit de m'écarter de lui une fois mon conseil prodigué mais j'avais besoin de parler à quelqu'un aussi restais-je là, à attendre une quelconque réaction de sa part qui m'eu aidé à comprendre ce qu'il pensait. Ses joues avaient rougies au fur et a mesure que je lui parlais m'arrachant derechef un sourire amusé. Sa timidité et son embarras a mon égard me touchèrent si bien que je me mît a éprouver de la compassion pour me garçon que je ne connaissais qu'a peine.

Mes yeux s'écarquillèrent tout seuls lorsque Kelly Adams se mit à me parler du livre que j'étais en train de lire. Impressionné, je marmonna quelque chose dans ma barbe et me résolu à me taire puisque je disais n'importe quoi. Je leva la tête vers l'étagère en face de moi et trouva le livre nommé "le trésor enchanté". Je le prit entre mes doigts. La couverture était vieille mais les pages n'étaient pas tout à fait jaunies. Une douce odeur s'échappait du bouquin qui m'arracha un tendre sourire c'est alors que je me rendit compte que Kelly était toujours en face de moi et que je venais de lui sourire bêtement. Le rouge me monta de nouveau aux joues. Etait-je assez bête pour faire ce genre d'erreurs ? Je me confondit en excuses devant elle en espérant qu'elle ne me prenne pas pour le dernier des crétins. C'est alors que je décidai de me lancer le premier à l'eau.

- Tu es dans mon lycée et nous sommes dans la même classe en maths et en physique, remarquais-je. C'est dingue qu'on ne se soit jamais adressés la parole avant aujourd'hui. Donc c'est ici que tu travailles en dehors du lycée ? ça doit être intéressant ! Tu dois beaucoup aimer les livres !

je ne me rendis pas compte que l'afflux de questions était une impolitesse aussi les débitais-je toutes avec le sourire aux lèvres ne me rendant pas compte de mon infortune. J'étais à la fois paralysé par la peur et poussé par un sentiment bizarre qui me donnait des ailes.

La bibliothèque était remplie à cette heure-ci. Des gens passaient si près de nous qu'ils nous frôlaient mais toujours dans une ambiance calme et sereine. C'était l'un des atouts de la bibliothèque qui me faisait tant apprécier cet endroit. John Lewis, si ma mémoire ne me faisait pas défaut, était un jeune homme nonchalant et complètement désintéressé de manière générale aussi le voir ainsi rouge et débitant autant de phrases incompréhensibles fit naître en moi une sorte d'ivresse. La vanité ? Non non, ce n'était pas ça. J'étais fière, et réellement je le pense, d'être ainsi observée par le jeune homme. J'étais fière de le mettre dans une telle situation d'embarras bien que tout cela n'avait rien de drôle pour le jeune homme. Je me mit à rire. Un petit rire cependant. Je ne me permettrai pas de me moquer de lui devant lui.

KELLY : Non je ne travaille pas à la bibliothèque mais j'aime passer par ici dès que le temps s'offre à moi. Je me suis faite passer pour une bibliothécaire et tu es tombé droit dans le panneaux. Ne soit pas trop naïf John, c'est un défaut. J'ai déjà lue ce livre, voilà tout et j'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a plu sinon je n'aurai plus qu'à revoir mes goûts en matière de littérature. Au plaisir de te revoir John.

Lui adressant l'un de mes plus charmants sourires, je fit demi-tour en prenant soin de soigner ma sortie. Ma démarche était lente mais mesurée, mes pas déterminés et mon menton relevé. La grâce n'était pas innée chez moi mais j'avais apprit depuis ma tendre enfance qu'il fallait travailler au mieux ces lacunes pour les combler aussi essayais-je de donner le plus de grâce possible à mon allure. Je vérifiai que mon livre était toujours entre mes mains et que John n'avait put le voir caché ainsi. Je m'avança alors près du comptoir où je découvris une petite bonne femme que je n'avais encore jamais vue. Elle n'était pas vieille mais elle n'était pas jeune non plus. Son nez crochu supportait une petite paire de lunettes rondes dont les contours argentés mettaient ses petits yeux gris en lumière. Ses joues creuses, son teint livide et ses cernes sous les yeux ne lui donnaient pas un aspect très flatteur. C'était une bonne femme laide, vraiment. Pourtant, je m'avança vers elle et lui tendit mon livre.

KELLY : Je vais vous l'emprunter.
BONNE FEMME : Venez le récupérer dans une semaine ! Passé ce délai et vous devrez vous acquitter d'une taxe !
KELLY : Je sais, je suis une cliente régulière.
BONNE FEMME : ça ne fait de mal à personne de rappeler les règles de la maison !

Décidément, elle était aussi laide intérieurement qu'extérieurement et je n'eu plus aucun scrupule à la juger de la sorte. Une fois mon livre enregistré, je m'en empara et quitta la bibliothèque d'un pas pressé. Cette bonne femme m'avait mise en rogne et je m'imaginais mille façon de lui régler son compte, après tout, mon deuxième boulot n'était-il pas d'être mercenaire ?